Les hommes viennent de Mars, les femmes de vénus, c’est bien connu. Mais, lorsqu’ils se rencontrent à l’assemblée nationale, il peut y avoir des étincelles, pas toujours amicales. Entre Julien Aubert, député UMP de la 5eme circonscription du Vaucluse et Sandrine Mazetier, députée de la 8eme circonscription de Paris, ça tourne même parfois à l’amour vache.
L’objet du conflit du lundi 6 octobre? Le titre porté par Sandrine Mazetier, alors présidente de séance. Doit-on s’adresser à elle avec un « Madame la Présidente » ou un « Madame le Président » ?
La logique traditionnelle de la langue française à laquelle le député se réfère est déjà contredite par le dictionnaire. Le Larousse donne cette définition :
« président, présidente : nom (latin praesidens, -entis, de praesidere, présider) Personne qui préside une assemblée, une réunion, un tribunal, dont elle dirige les délibérations ou les travaux : Président du Sénat, d’un jury. »
« Madame la présidente » n’est donc pas une incongruité linguistique absolue. C’est, de plus, une évolution largement passée dans les moeurs et qui sanctionne l’accession progressive des femmes aux métiers, postes et responsabilités autrefois réservés à la gent masculine. Mais, admettons la logique du propos et poussons la un peu plus loin.
Nous vivons dans un monde où une femme peut être officier général militaire. C’est le cas de Monique Legrand-Larroche, directrice de la Délégation Générale de l’Armement. Général quatre étoiles, rien que cela. Si « Madame la Générale » reste réservé à l’épouse du général, comment va-t-on s’adresser à l’époux du Gal Legrand-Larroche ? « Monsieur le Général » est inconcevable sauf à ce que cet homme soit effectivement militaire à un grade d’officier général.
Nous vivons aussi dans un monde où des femmes peuvent être préfètes. Leur époux peut-il se targuer d’un « monsieur le préfet » de « courtoisie » ?
Si l’épouse d’un député est une « Madame la député« , Julien Aubert osera-t-il de même s’adresser à Jean-Louis Guigou, époux d’Elisabeth Guigou avec un « Monsieur le député » ?
Poussons d’ailleurs la logique jusqu’à l’absurde : si, comme le dit Julien Aubert, « madame la présidente » est la « femme du président », que se passe-t-il dans sa logique si « le président » est une femme marié à un homme ? On appelle son époux « monsieur la présidente » ? On la divorce d’office ? On ne choisit de présidente que parmi les lesbiennes ? Et si le président est un homosexuel marié, son époux est-il « madame la présidente » ? Si oui, ce mariage est-il dans les clous de LMPT ?
La confusion entre le masculin et le neutre dans la langue française n’est pas un absolu. Contrairement à ce qui est dit, le genre neutre existe en français, il donne les expressions comme « ça a l’aspect de » « c’est ainsi que » etc. Cette confusion est en revanche l’héritage d’une époque où la domination masculine sur les affaires publiques étaient totale; évidente, acceptée. Notre bonne vieille loi salique l’avait sanctionnée : la Reine ne pouvait être que l’épouse du Roi, souverain mâle, seul autorisé à régner et gouverner ses peuples. Cette prédominance avait toutefois engendré les titres de courtoisie qui voulaient qu’on habille une femme du titre de son époux afin de lui permettre d’avoir un rang social.
Ces titres de courtoisie viennent désormais se heurter de plein fouet avec la réalité : les femmes ne sont plus les épouses fidèles, effacées et oisives d’antan, elles accèdent aux responsabilités. Elles sont députées, sénatrices, auteures, présidentes.
Alors, cet échange tragi-comique à l’assemblée nationale est-il si ridicule qu’il semble l’être ? En fait, deux visions s’affrontent : d’un coté, un monde où seuls les hommes peuvent occuper les positions de pouvoir, de l’autre une société où les femmes sont, elles aussi aux manettes.
La lutte pour le pouvoir commence par les mots.
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