Roland Dumas a sauvé la République en 1995. Rien que ça. Il l’a fait en violant la loi. Il a sauvé la République en bafouant sa constitution pour valider l’élection de jacques Chirac qui présentait des comptes de campagne « manifestement irréguliers ».
Cet aveu, 20 ans après les faits dans un entretien au Figaro, est une belle gourmandise d’un esprit aussi fin qu’il est dénué de tout scrupule. « Moi, président de la juridiction suprême du pays, je vous ai trahi en m’essuyant les pieds sur la constitution ». On est dans la jouissance tranquille d’un homme persuadé d’être au dessus du lot. « La loi est faite pour les autres mais pas pour moi ».
Cette information, accompagnée de ce cliché d’un homme serein et satisfait de lui est ravageuse. Elle a bien sûr fait le tour des rédactions, provoquant une volée d’articles dans la presse nationale quotidienne et hebdomadaire. Les réseaux sociaux, eux aussi, répercutent cette info, dans des termes nettement moins amènes. Là où les médias parlent d’arrogance , les twittos parlent de déshonneur, de malhonnêteté, de mafia. L’ami Koz se fend d’une brève parlant « d’élite ordurière« .
L’aveu est d’autant plus terrible que Roland Dumas n’est pas un « petit » du monde politique. Résistant durant la seconde guerre mondiale, il a été député pendant les IVe et Ve Républiques, ministre des affaires étrangères puis des relations extérieures sous les deux mandats présidentiels de François Mitterrand dont il était l’ami intime et qui l’a nommé à cette fonction de président du Conseil constitutionnel.
C’est donc un homme au coeur du pouvoir politique français pendant un demi-siècle qui avoue sans broncher qu’il a violé la loi française pour avantager un autre pilier de la République, Jacques Chirac. Cette parole est ravageuse car les français sont extrêmement attachés à l’élection du président de la République française au suffrage universel depuis 1962. Cette élection, pilier de la vie politique du pays et qui conditionne toutes les autres, est de ce fait entachée par cet aveu : il est possible de tricher pour être élu, aucune sanction ne sera prise.
La classe politique est actuellement largement discréditée aux yeux du peuple. Les institutions républicaines ont pour le moment résisté. Que se passerait-il si ces dernières étaient touchées par le comportement d’une classe politique qui semble plus se comporter en caste qu’en élite responsable ?
L’élection présidentielle américaine a lieu tous les 4 ans chaque mardi qui suit le premier lundi de novembre. Pourtant, le président élu ne prête serment que le 20 janvier suivant. il s’écoule donc plus de deux mois entre l’élection et la prise de fonction. Ce délai, mis en place en France, permettrait un contrôle effectif des conditions de déroulement de la campagne et l’invalidation sans crise institutionnelle en cas de fraude.
Aucun politique n’a jusqu’à ce jour jugé bon d’introduire un garde-fou au système. La constitution française fait le pari de l’honnêteté de notre personnel politique, honnêteté que nous savons désormais bien peu fiable. Si nous n’introduisons pas un minimum de contrôle dans nos institutions, nous courons le risque qu’elles soient rejetées.
Reste à savoir ce qui, alors, viendrait remplacer la République. Sommes nous certains d’avoir envie de le savoir ?