Et voici que la Queer Palm, récompense attribuée à un des films en compétition à Cannes « pour son traitement des thématiques altersexuelles » refait parler d’elle. Cette fois-ci, l’affaire concerne la jaquette française du film Pride primé en 2014. Nul mention de cette récompense alors que ce film parle de visibilité, de coming-out et de liens entre les luttes LGBT et les mouvements sociaux plus classiques. Scandaleux, pas scandaleux ?
C’est vrai que lorsqu’un film gagne la palme à Cannes, le DVD l’exhibe fièrement. Même chose pour les oscars (même les nominations sont un gage de qualité) et les césars (soyons sympas). Alors, pourquoi pas la Queer Palm ?
L’un des problèmes de la Queer Palm est sa légitimité: ce prix est décerné à des films qui sont en compétition à Cannes mais,
- cette récompense est indépendante du festival de Cannes;
- il n’y a pas de sélection indépendante ni de film proposés à la Queer Palm de manière volontaire.
Quelque part la Queer Palm vient décerner un prix à un film ou un réalisateur qui n’a pas choisi d’entrer dans ce palmarès. C’est ce qui s’est passé pour Laurence Anyways et Xavier Dolan. Xavier Dolan s’est retrouvé affublé d’un prix pour lequel il n’était pas entré en compétition décerné par un jury qui ne s’était pas posé la question de savoir si ce réalisateur avait envie d’être ainsi catalogué.
Xavier Dolan est jeune. A mes yeux, c’est même un gamin. Normal, j’ai l’âge d’être son père. Sa notoriété est immense mais sa vie est devant lui. Il a sans doute envie de la bâtir par lui même et a refusé – violemment – que d’autres viennent lui donner une tournure qu’il ne souhait visiblement pas. Xavier Dolan est gay, il ne s’en cache pas, mais il ne veut pas être vu comme un « réalisateur gay ».
Du coup, le clash a été brutal, la violence des propos de Xavier Dolan ayant suscité une réaction tout aussi violente de la part d’une partie de la presse LGBT. Un résultat un peu étrange pour une récompense qui veut promouvoir de manière positive les thématiques altersexuelles au cinéma…
En réalité, la Queer Palm est une récompense intéressante, elle fait un bon travail de visibilité. Mais elle doit être précisée, structurée, revendiquée.
- Un film tourné par un réalisateur ou une réalisatrice LGBT n’est pas forcément en lui même un film « LGBT ». Mommy est un grand film de Xavier Dolan mais n’a aucune thématique LGBT. Des films de ce genre peuvent-ils concourir à la Queer Palm ?
- Un film tourné par un réalisateur non LGBT mais avec une thématique LGBT peut-il concourir à la Queer Palm ?
- La Queer Palm peut-elle intégrer le festival de Cannes et en devenir un prix officiel ?
- La Queer Palm doit-elle accepter que les réalisateurs soumettent – ou pas – leur film à la compétition pour cette récompense ?
Ces questions méritent d’être posées, des réponses doivent leur être apportées. On ne bâtit pas la réputation d’une récompense cinématographique sans les gens de cinéma. Sans les réalisateurs, les acteurs, les techniciens, les producteurs, les studios, les distributeurs. Ou les spectateurs. La Queer Palm existe et c’est une bonne chose.
Pour devenir incontournable, elle doit maintenant être irréprochable.