La grève de Radio France dure depuis plus de trois semaines. Le groupe public fait face à une situation financière très dégradée, accumulant les déficits en raison de la baisse des dotations de l’Eat et à un chantier de rénovation de la Maison de la Radio totalement hors contrôle. Les bruits de plan de licenciement, ajouté aux fusions possibles de rédactions, d’orchestre ainsi qu’à la rénovation d’un bureau présidentiel ont mis le feu aux poudres. La radio publique s’offre sa plus longue grève depuis au moins vingt cinq ans.
Pour qui connait bien la puissance de l’innovation portée par la révolution numérique, cette situation de blocage est pourtant surprenante et navrante. la radio est, de tous les médias classique, celui qui peut s’adapter le plus facilement au Web. La radio est, par essence, vecteur de sons. Depuis l’invention du Walkman par Sony en 1979, le public a pris l’habitude d’emporter sa musique avec lui en dehors du domicile. Avec l’arrivée du Web et des podcasts, les radios se sont mises, elles aussi, à proposer leurs émissions en téléchargement pour une écoute ultérieure, hors de la grille des programmes. Ce que font d’ailleurs les différentes chaines de Radio France depuis des années.
Pourtant, le groupe semble rester étrangement frileux sur le Web. L’interaction avec les internautes est minimale, l’offre de contenus sons très classique. Certes, le groupe dispose d’un App ( IOS & Android) qui permet de retrouver toutes les radios du groupe sur son smartphone pour les écouter en direct ou trouver les podcasts, mais son interactivité reste limitée à ces fonctions de recherche. Et encore, la fonction podcast renvoie en fait (pour les possesseurs d’iPhone du moins) à une app extérieure, celle d’Apple. Bref, l’app de Radio France se contente de transformer votre couteux Smartphone en bon vieux transistor des années soixante. Pas très sexy.
Par ailleurs, le groupe n’a – à ma connaissance – pour le moment suscité aucune startup en interne ni financé en externe. Aucun projet technologique disruptif sur la diffusion de l’information en continu, rien sur l’info ultra-locale, pas de projet sur la diffusion de programmes culturels de haute tenue, qui sont pourtant trois points forts du groupe.
Alors, Radio France, nichée dans un bâtiment dont l’architecture rappelle la période bénie des trente glorieuses, se contente-t-elle de vivre comme au bon vieux temps de l’ORTF, ses grévistes allant jusqu’à réclamer l’intervention de la ministre de la culture dans le conflit ?
Les journalistes et techniciens de la maison ne sont pourtant pas des bras cassés. Et si l’investissement dans l’écosystème des startups françaises reste un pari parfois hasardeux, je reste frappé par l’absence totale de réflexion et d’allant de ce puissant groupe média dans les nouvelles technologies.
La sortie de crise ne se jouera certes pas sur ce sujet. mais l’avenir à moyen terme de Radio France pourrait se jouer, en tout ou partie, sur sa capacité à innover et à inventer le média radio pleinement connecté au Web. Si ce n’est pas Radio France qui l’invente, ce sera un autre média. Dans ce cas de figure, le groupe public pourrait finir par étouffer dans son vieux cocon de l’ORTF.